En novembre 2017, Christian Prouteau, 76 ans, avait raconté dans le livre Nous étions les premiers (Ed. Nimrod) la création du GIGN, officiellement né le 1er mars 1974.
Tout commence en fait dix-huit mois auparavant avec la mort des onze athlètes israéliens tués par Septembre Noir, le 5 septembre 1972, au cours d’une prise d’otages aux JO de Munich. Cette tragédie avait révélé l’impréparation de la police allemande. Et l’absence en France d’une unité capable de faire face à une prise d’otages terroriste.
Respecter les fondamentaux
Le 3 novembre 1973, le lieutenant Prouteau réunit autour de lui dix-sept gendarmes qu’il a sélectionnés sur des critères de forme physique, de rusticité, d’endurance et d’esprit de solidarité. Des qualités toujours recherchées aujourd’hui chez les candidats au GIGN.
En même temps, il fixe les fondamentaux : importance du tir individuel et du tir coordonné, descente en cordage depuis un hélicoptère, présence d’une équipe médicale en intervention, séance de Retex (Retour d’expérience) immédiatement après chaque opération. Avec ses hommes, Christian Prouteau se conduit comme un chef de bande, tout à la fois très exigeant ("Entraînement difficile, combat facile", telle est sa devise) et très protecteur.
Mais il se heurte à la lourdeur des procédures pour entraîner et équiper ses hommes. Quitte à contourner les règlements. Ainsi, ce sont ses gendarmes qui vont construire de leurs mains le stand de tir à Maisons-Alfort. Il fait détourner des poids lourds civils chargés des déblais du trou des Halles pour réaliser les terrassements.
Un planton va frapper à leurs portes
Au printemps 1974, le GIGN ne dispose pas de ses propres véhicules. Pour partir en mission, l’unité doit réquisitionner des Estafette Renault de la caserne du groupement de gendarmerie mobile de Maisons-Alfort. Les gendarmes de l’unité naissante n’ont pas tous le téléphone à domicile. Un planton va alors frapper à leurs portes en cas d’alerte. Une Estafette – avec gyrophare et avertisseurs deux tons – parcourt aussi la caserne pour prévenir.
Les gendarmes d’élite n’ont ni casque, ni gilet pare-balles, et une seule arme individuelle : le revolver Manurhin MR-73. Pour le reste, ils se partagent fusils de précision, pistolets-mitrailleurs et autres émetteurs radio. Seul matériel à leur disposition, l’hélicoptère Alouette II, capable d’emporter cinq personnes, dont le pilote.
Belmondo fait connaître le GIGN
Pourtant, le GIGN ne tarde pas à devenir le chouchou des médias, qui qualifie les super-gendarmes de "pandores de choc" ou de "James Bond de la Gendarmerie". En juin 1974, L’Essor de la Gendarmerie consacre des pages dithyrambiques à l’unité. "Mieux vaut donc ne pas se trouver face à ces Guillaume Tell capables de vous placer une balle sous chaque oreille…", écrit le mensuel sous la photo d’un gendarme derrière son fusil de précision.
C’est en 1975 que le GIGN va se faire connaître du grand public dans Peur sur la ville, d’Henri Verneuil, avec Jean-Paul Belmondo, un film à 4 millions d’entrées. Une scène tournée à l’automne 1974 montre des gendarmes du GIGN pénétrant dans une tour des bords de Seine depuis un hélicoptère en se balançant au bout d’une corde. Christian Prouteau profitera du tournage pour demander à la production d’acheter les cordes utilisées par les gendarmes et notre Bébel national et… de les laisser ensuite à l’unité.
L'opération à Djibouti marque l'histoire des libérations d'otages
L’année suivante, l’opération du GIGN à Djibouti va marquer l’histoire des grandes libérations d’otages. Avec la mise en œuvre du tir coordonné, une première dans le monde pour une unité d’intervention. Une technique mise au point par Christian Prouteau quelques mois plus tôt. Elle consiste à appliquer un tir simultané au fusil de précision : plusieurs tireurs font feu en même temps.
Prospective : comment pourrait s’écrire le futur du GIGN
Le 3 février 1976, un bus de ramassage scolaire avec 31 enfants de militaires français est détourné depuis Djibouti par des militants indépendantistes du Front de libération de la Côte des Somalis. Le véhicule est immobilisé à 15 km de là, à la frontière avec la Somalie. Le lendemain, les cinq preneurs d’otages installés dans le bus sont tués en même temps par les gendarmes du GIGN, qui abattent ensuite deux autres terroristes. Les otages seront libérés, mais deux fillettes seront tuées.