Les gendarmes de la région toulousaine viennent de réaliser un joli coup de filet en mettant la main sur plusieurs personnes suspectées d’avoir commis des dégradations et destructions à l’encontre d’antennes relais et de radars.
Les faits semblent durer depuis plusieurs années. Mais des incendies, au début du printemps 2022, ont permis l’arrestation de sept personnes, mardi 22 novembre 2022. Parmi elles, six femmes et un homme.
L’enquête des gendarmes débute le 30 mars 2022, à la suite de l’incendie d’une antenne relais à Carbonne (Haute-Garonne) ainsi que d’un radar automatique à Thouars-sur-Arize (Ariège). Les deux communes, distantes seulement de quelques kilomètres, sont situées au sud de l’agglomération toulousaine. Sur les deux sinistres, que tout indique être volontaires, des inscriptions sont découvertes. Comme une sorte de signature ou de revendication, la mention “le peuple” est taguée au sol, à la peinture verte ou au marqueur noir, révèle Samuel Vuelta Simon, procureur de la République de Toulouse. Les investigations sont confiées aux gendarmes de la brigade de recherches (BR) de Muret ainsi qu’à la section de recherches (SR) de Toulouse.
Quelques jours plus tard, rebelote. C’est à nouveau un radar automatique qui est incendié dans les mêmes circonstances, cette fois à Céreste, dans les Alpes-de-Haute-Provence. Même mode opératoire, même signature. Les enquêteurs font le rapprochement.
(Une antenne relais d'un opérateur de télécoms, en partie incendiée à Annecy-le-vieux, en mai 2020. Photo d'illustration: G.Vellut/Flickr)
L’appui précieux de la vidéosurveillance
Malgré les nombreuses voix qui s’élèvent en permanence contre les dispositifs de vidéosurveillance, ces derniers ont prouvé une fois de plus leur importance. C’est en effet l’exploitation de leurs images qui va mettre les enquêteurs sur la piste de ces suspects.
En les visionnant, les gendarmes remarquent un véhicule suspect. Celui-ci va leur permettre de remonter jusqu’à sept personnes, six femmes et un homme, identifiés comme "appartenant à la mouvance contestataire multiforme (antivax, antipass et Gilets jaunes), précise le procureur de la République. Certains d’entre eux ont déjà participé à des manifestations ou des actions liées à cette mouvance et, pour une partie des faits, revenaient d’un lieu de manifestation". "Ils n'ont rien d'un commando hyper entraîné, indique une source proche de l’enquête à nos confrères de La Dépêche du Midi. On fait face à des anti-systèmes." Les mis en cause viennent d’ailleurs d'univers différents. Certains occupent des emplois qualifiés, d'autres sont au chômage. Ils sont également originaires de plusieurs départements.
Quatre des trois suspects mis en examen
Deux jours après leur placement en garde à vue, trois des sept personnes ont été relâchées. Tous étaient entendus pour “dégradation et destruction en bande organisée et association de malfaiteurs”, mais seuls quatre sont finalement mis en examen: trois femmes, âgées respectivement de 36, 37 et 46 ans, ainsi qu’un homme de 38 ans. Ils ont reconnu une partie des faits. Placés sous contrôle judiciaire, ils encourent “jusqu'à vingt ans de prison et 150.000 euros d'amende" précise le procureur.
Depuis plusieurs années, des antennes 4G et 5G subissent le même sort, notamment dans la moitié sud de la France, en Auvergne-Rhône-Alpes et en Occitanie. 174 rien qu’en 2021 sur l’ensemble du territoire. Parfois, les enquêteurs réussissent à remonter des pistes et identifier des auteurs, souvent liés à des mouvements anti-système, anarchistes ou d’ultra-gauche. Mais dans la plupart des cas, les responsables ne sont pas retrouvés. Ce coup de filet des gendarmes toulousains est donc une petite victoire.
Rhône-Alpes : une mouvance anarcho-autonome revendique plusieurs actes de sabotage
Des enjeux plus grands
Récemment, la Fédération française des télécoms demandait à ce que les sanctions visant les auteurs de ses dégradations soient durcies. Dans un entretien au journal La Tribune, Arthur Dreyfuss –président de cette Fédération, mais également secrétaire général d'Altice France (qui possède entre autres SFR)– estime que la réponse pénale aux dégradations d'antennes-relais ou des réseaux Internet fixes n'est plus dissuasive. Or, "l’enjeu n’est pas seulement de protéger les opérateurs, mais aussi toutes les activités les plus sensibles et essentielles du pays" renchérit-t-il.
"Aujourd’hui en France, incendier une antenne de télécommunications, c’est comme faire un graffiti sur un mur, c’est la même peine, soit presque rien alors que le coût pour la société est important, dénonce également Michel Combot, directeur général de cette même Fédération dans les colonnes de La Dépêche. Nous demandons que la répression de ces actes soit plus ferme et que les peines soient à la hauteur. Les procureurs, les services de police et gendarmerie sont impliqués dans ce processus, mais il est nécessaire de mettre encore plus de moyens pour que les responsables soient punis."
Ces actes peuvent “mettre en danger tous les citoyens”, s’indigne également le procureur Samuel Vuelta-Simon, procureur de la République de Toulouse, pointant notamment les risques de coupures de couverture réseau, et donc l’impossibilité de joindre les services de secours (pompiers, Samu, Gendarmerie…).
Coïncidence du calendrier, ces arrestations ont été menées alors qu’un collectif d’habitants exprime son désaccord quant à l’installation d’une antenne 5G dans leur quartier de Falguières, non loin de là, à Montauban (Tarn-et-Garonne). Ils craignent notamment une pollution visuelle du quartier, un risque sanitaire, mais également une dépréciation de la valeur des biens du secteur. Eux, néanmoins, ont choisi une revendication officielle et argumentative, avec notamment une pétition, et n’ont attaqué aucune installation…