L'action des gendarmes a permis de réduire en cendres ce trafic. La plus grosse usine de production clandestine de cigarettes contrefaites jamais découverte en France vient d'être démantelée par les gendarmes en Normandie dans le cadre d'une enquête internationale à laquelle ont contribué les enquêteurs de la Section de recherches de Rouen.
L'usine était installée dans un grand bâtiment anonyme, comme il y a en des milliers dans les zones artisanales ou industrielles, près de Rouen. À l'intérieur, il y avait tout le matériel pour fabriquer, conditionner et préparer l'expédition par palettes de cigarettes chargées quotidiennement sur des poids lourds.
Lors d'une opération, le 12 janvier 2023 près de Rouen, les gendarmes ont découvert la plus importante fabrique clandestine de cigarettes à ce jour en France. Ils ont saisi 55 tonnes de cigarettes, 50 tonnes d'étiquettes, filtres, papiers et autres emballages, 18 tonnes de résidus de tabac et de déchets de cigarettes. Le prix de revente du tabac contrefait est évalué à 13,7 millions d'euros. Les gendarmes ont également mis la main deux poids lourds (tracteurs et semi remorques de 38 tonnes), des élévateurs, des transpalettes, de l'outillage, des appareils électroménagers et une tonne de denrées alimentaires (pour nourrir les employés qui dormaient sur place) qui ont été données à la Banque alimentaire.
Autonomie et discrétion
Alertés par Europol il y a un mois, les gendarmes découvrent donc, le jeudi 12 janvier, une usine parfaitement intégrée dans la zone industrielle à Saint-Aubin-les-Elbeuf (Seine-Maritime). Celle-ci était stratégiquement implantée à proximité d'un important nœud routier. À l'intérieur, ils y découvrent une chaine de confection de cigarettes à partir de tabac brut, une autre de conditionnement en paquets puis en cartouches au nom d'une marque connue, une zone de stockage où les cartouches de cigarettes sont conditionnées en cartons sur des palettes recouvertes de film, prêtes à être livrées. Enfin, une zone de vie complète l'ensemble, avec un dortoir équipé d'une quinzaine de couchages, un coin cuisine, un coin repas et un espace détente. Sans oublier un groupe électrogène. L'ensemble des produits et les machines de production saisis ont été détruits immédiatement.
#BellesAffaires 🚨 Démantèlement par la Section de Recherches de #Rouen appuyée par les gendarmes de Seine-Maritime d'un trafic international de #cigarettes de contrefaçon dans un entrepôt à Saint-Aubin-lès-Elbeuf.
➡️ 100 t. de produits saisis 😮 !
➡️ Neuf individus interpellés. pic.twitter.com/zBh402gr8P— Gendarmerie nationale (@Gendarmerie) January 16, 2023
Neuf personnes, âgées de 21 à 55 ans, toutes de nationalité étrangère et en majorité moldaves, ont été interpellées et placées en garde à vue. Toutes ont été mises en examen dimanche, à Paris, notamment pour "détention en bande organisée de marchandises contrefaites, importation en contrebande et en bande organisée de produits de tabac manufacturé et de marchandise présentée sous une marque contrefaite". Quatre ont été placés en détention provisoire, les cinq autres sous contrôle judiciaire.
L'Office central de lutte contre la délinquance itinérante (OCLDI) et le service d'enquêtes judiciaires des Finances (SEJF) ont coordonné les opérations.
Profits énormes
Le trafic de tabac est en plein essor avec plus de 600 tonnes de tabac de contrebande saisies en 2022 en France (402 tonnes en 2021, plus de 284 tonnes en 2020). Un trafic où les cigarettes de contrebande et/ou de contrefaçon se taillent la part du lion alors qu'un paquet de cigarette vaut en moyenne 11 euros chez un buraliste, contre quelques euros dans la rue. Les profits énormes générés par ce trafic de tabac suscitent l'appétit d'organisations criminelles, souvent spécialisées dans les stupéfiants, qui cherchent à se diversifier. "Le coût de fabrication est d'un euro par paquet, le reste c'est de la marge", rappelait début décembre 2022 Christophe Perruaux, directeur du SEJF.
Les organisations criminelles d'Europe de l'Est, des pays baltes aux Balkans, ont la mainmise sur le trafic de tabac. Auparavant établies en Ukraine puis en Pologne, les usines ont commencé, après l'offensive russe en Ukraine, à prendre racine plus près des frontières françaises, en Belgique notamment. Elles s'installent désormais en France, où le marché noir représente un tiers du tabac en circulation, avec la volonté de rapprocher production et consommation pour optimiser les coûts de transport. "Une usine clandestine fonctionne pendant maximum trois mois", expliquait début décembre 2022 le patron du renseignement douanier, Florian Colas. De ses lignes de production sortent en moyenne 700 paquets à la minute, 4.200 cartouches à l'heure. "Chaque machine coûtant entre 50.000 et 200.000 euros, elles sont rentabilisées en quelques jours et les taux de marge sont stupéfiants". À raison de 8 heures par jour, ces usines rapportent, selon les renseignements douaniers, de 80.000 à 120.000 euros la journée, soit 7 millions d'euros pour trois mois.
PMG (avec AFP)
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