Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a fait état de "441 policiers et gendarmes blessés" en France, le 23 mars, neuvième journée de mobilisation contre la réforme des retraites, mais le nombre de blessés parmi les manifestants suscite des interrogations.
A Paris, le nombre exact de manifestants blessés est presque impossible à estimer, tant les sources sont disparates, tandis que les autorités fournissent des bilans exhaustifs concernant les forces de l'ordre.
Pompiers et Samu
Dans la capitale, la brigade de sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) fait remonter toutes ses interventions à la préfecture de police (PP). Sollicitée par l'AFP, la BSPP se refuse cependant à fournir un bilan. Elle renvoie vers la PP, qui centralise les données, et accepte, ou non, de les communiquer.
Une source policière a indiqué samedi à l'AFP que les pompiers de Paris avaient recensé 59 manifestants en urgence relative depuis le 16 mars, jour de l’annonce du recours au 49.3 suivie d'un rassemblement spontané place de la Concorde, tout en précisant qu'il "ne s'agit pas de chiffres exhaustifs".
Quid des manifestants blessés à Paris qui ne sont pas pris en charge par les pompiers? Selon un policier parisien, requérant l'anonymat, "la doctrine est que si le blessé n'est pas signalé sur les ondes pendant la manifestation, il n'existe pas".
Une source au Samu de Paris a fait état, anonymement, de la prise en charge de 41 manifestants et 11 membres des forces de l'ordre blessés le 23 mars.
"Street medics"
Des équipes de "street medics", ces secouristes volontaires, sont présents dans des cortèges. Il s'agit souvent de bénévoles, électrons libres non rattachés à une quelconque organisation.
Un Franco-Espagnol a été amputé d'un testicule après avoir reçu un coup de matraque asséné par un policier à Paris le 19 janvier: "il a été immédiatement pris en charge par des "street medics" (…) et il est rentré avec un ami. Il a ensuite appelé SOS Médecins qui l'a redirigé vers l'hôpital", raconte son avocate Lucie Simon.
L'Observatoire des "street medics" recense "les victimes de violences policières prises en charge par les secours inofficiels" mais ne communique ses bilans que des semaines plus tard.
"On comptabilise une personne blessée lorsqu'on passe plus de cinq minutes avec elle", explique Emma, "street medic" de 25 ans qui a assisté l'agent de maintenance de la SNCF, militant Sud-Rail, ayant perdu un oeil le 23 mars lors de la manifestation parisienne.
Recensement aléatoire en région
À Rouen, une manifestante a eu un pouce arraché le 23 mars, selon des sources syndicales et politiques, ce qu'a confirmé la préfecture de Seine-Maritime en soirée. En Ille-et-Vilaine, "le recensement des blessés est essaimé, soit les personnes ne disent pas qu'elles sont blessées, soit on le sait a posteriori", explique Dominique Besson-Milord, secrétaire départemental de la CGT.
"Il y a énormément de personnes qui manifestent pour la première fois et qui n'ont pas forcément le canal pour faire remonter l'information", dit-il. Le 23 mars, dans ce département, la préfecture a annoncé que trois policiers et quatre manifestants avaient été blessés.
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Manifestants qui ne se signalent pas
"Le problème des derniers jours réside dans les manifestations sauvages", quand de petits groupes se confrontent aux forces de l'ordre de manière disparate et "ne sont pas à même d'être pris en charge par les street medics ni les pompiers", souligne Vincent Victor, responsable de l'Observatoire des "street medics". "Plus le contexte est violent, moins les victimes vont se signaler", ajoute-t-il, de crainte "d'être fichées".
Par Leslie Fauvel de l'AFP, avec Laurent Geslin à Rennes