Dans l'après-midi du samedi 8 avril 2023 (+5h à Paris) le suspect, auteur présumé des tirs qui ont entraîné la mort du major Blanc, s'est rendu aux gendarmes, sur un site d'orpaillage proche de celui de Dorlin, lieu des faits initiaux. Quinze (longs) jours ont suffi, aux gendarmes et aux forces armées en Guyane (FAG) pour obtenir ce remarquable résultat !
C'est d'abord le fruit d'une pression soutenue à l'égard de la population du site de Dorlin et de ceux de sa périphérie, comme de la famille du suspect. En effet, la traque des personnes présumées impliquées dans les faits (femmes de joie et amis du suspect…) s'est appuyée sur les moyens propres de la Gendarmerie sur place, et ceux de renforts constitués d'une section du GIGN, d'unités des Forces armées en Guyane ou envoyées de métropole. Elle s'est opérée dès les premiers jours, y compris durant la préparation de la cérémonie d'adieu à la victime. Et elle se poursuit…
Mobilisation massive et coopération
Dès la commission des faits, une reprise de la présence de la Gendarmerie sur le site de Dorlin a été décidée, afin, entre autres, d'assurer les constatations judiciaires et d'entendre les témoins potentiels. Ce qui a rapidement permis d'obtenir des renseignements sur la bande (identification immédiate du suspect), dans la mesure où la venue de ''voyous'' sur site fait peser une menace (vol, racket, violences de règlement de compte) sur les travailleurs illégaux eux-mêmes.
Cette importante mobilisation s'est poursuivie en outre par les auditions des membres de la famille du suspect, qui eux aussi travaillent légalement (ou non) sur des sites miniers.
Elle s'est par ailleurs traduite par des actions ''coup de poing'', à l'occasion de ces auditions ou de perquisitions mobilisant des effectifs importants, de nature à créer un effet psychologique. Le but étant d'interdire toute fuite vers le Surinam ou le Brésil, avec la coopération des pays concernés.
Le renfort des moyens du GIGN (Force intervention, souvent assistée de la Force observation recherche dans ses interventions), incorporant l'aide locale de techniciens forêt de l'AGIGN, s'est efforcé, par la nomadisation en forêt, à rechercher le renseignement dans la profondeur et par effet de surprise, avec une arrivée inattendue sur des lieux de vie des orpailleurs.
Une forme de sédentarisation
Cette action de grande envergure rompt avec le mode d'intervention habituel où le passage d'un hélicoptère pour une dépose lointaine de gendarmes et de militaires pouvait alarmer les orpailleurs illégaux et autres contrebandiers.
Cet engagement humain, avec un soutien aérien, a conduit à l'émergence d'informations laissant à penser à une forme de sédentarisation des fugitifs à proximité de Dorlin, avec une dangerosité liée à la possession d'armes longues.
La pression territoriale et psychologique a conduit le présumé auteur à émettre son intention de se rendre. La vidéo de son interpellation a été publiée sur le réseau social TikTok.
Comme beaucoup aujourd'hui, les orpailleurs ne résistent pas à l'attrait des réseaux sociaux, moyen de communiquer et de transmettre de vraies ou fausses nouvelles.
Le GIGN se trouvant géographiquement au plus près et disposant d'un moyen aérien dédié, a procédé à son arrestation avant transfert à la Gendarmerie à Cayenne.
#URGENT – Vidéo exclusive de l’arrivée sous haute tension à la Caserne de la Madeleine de l’auteur présumé du meurtre d’Arnaud Blanc, maréchal des logis-chef tué par balles sur le site de Dorlin le samedi 25 mars ⤵️ pic.twitter.com/rterGLzjd6
— Mo News Guyane (@MoNews973) April 8, 2023
Reddition
La reddition peut s'expliquer par l'action familiale, la volonté de préserver sa vie, mais aussi par la différence de traitement des détenus en France comme de la peine potentielle à subir. En effet, les précédents auteurs de meurtres sur des militaires et de blessures sur des gendarmes à Dorlin en 2012, ont été condamnés par contumace aux Antilles à 20 et 25 ans de prison, pour 130 ans de prison pour ceux jugés au Brésil. La sanction française est moindre car pouvant se conclure, par les remises de peine et libération conditionnelle, à moins d'une vingtaine d'années effectives d'incarcération.
Objet d'un mandat d'arrêt, le suspect n'a pas été entendu par les gendarmes. Cette mission revient au juge d'instruction de Martinique, la saisine ayant été attribuée à une juridiction spécialisée. Consécutivement l'intéressé sera incarcéré là-bas, ce qui facilitera la suite d'une enquête qui vise à identifier les complices de sa fuite (femmes prostituées et compagnons), dans la mesure où ils étaient venus s'installer dans un autre rôle que celui de chercheur d'or.
Sur le terrain, le travail se poursuit: recherche du renseignement, pour les unités d'intervention et les enquêteurs, comme le rappellent les généraux Petillos et Sintive sur LinkedIn.
Hier le meurtrier présumé de notre camarade Arnaud Blanc s’est rendu. Ce n’est pas le fruit du hasard. C’est le resultat de deux semaines d’efforts intenses dans le cadre d’un dispositif inédit en forêt, de la gendarmerie et des forces armées en Guyane.
La pression accentuée sur les garimpeiros, le quadrillage du terrain, le travail de renseignement et d’enquête ont payé. Nous le devions à Arnaud Blanc, c’est chose faite.
C’est une oeuvre collective, de l’ensemble des unités du Comgend Guyane, du GIGN et son antenne, des escadrons engagés en renfort. Mais aussi de nos camarades des Armées qui ont mis tous leurs moyens sur le terrain. C’est un bel exemple de fraternité d’arme au service de la France.
J’en suis heureux pour la mémoire d’Arnaud Blanc, pour sa famille, ses amis, ses camarades de l’AGIGN de Guyane et du Comgend. Et je suis fier du travail accompli par les gendarmes dans des conditions particulièrement exigeantes. Pour autant le combat contre l’orpaillage illégal n’est pas terminé. Les gendarmes continuent et vont continuer cette lutte, les résultats sont encourageants et justifient tous ces efforts.
Général André Pétillot, major général de la Gendarmerie nationale, sur LinkedIn.
Cela fait désormais 15 jours que la gendarmerie et les FAG sont engagées ensemble dans une recherche hors norme d’une bande armée terrée au cœur de la forêt équatoriale. Dès l’annonce du meurtre du major Arnaud Blanc, de gros moyens ont été mobilisés pour interpeller les auteurs de ce crime. Pour y parvenir, il a d’abord fallu effectuer sur place toutes les constatations de police technique et scientifique, puis tenir les principales zones de fuite connues grâce aux gendarmes mobiles appuyés par les FAG. Il a fallu ensuite projeter le GIGN et l’AGIGN dans tous les secteurs de replis dans une zone de plus de 10.000 km². L’appui du GIH déployé en Guyane depuis 10 jours a été déterminant. Ce sont près de 500 militaires, gendarmes et FAG, qui sont actuellement engagés sur ce dispositif. Tous sont totalement concentrés sur le même objectif. La pression mise sur la bande armée a commencé à porter ses fruits hier avec la reddition du meurtrier présumé. Il est désormais écroué en attendant son interrogatoire de première comparution par la JIRS de Fort-de-France.
Toutefois, ce n’est pas terminé, la traque se poursuit et la pression s’intensifie avec l’appui des forces de police du Suriname et du Brésil. Par ailleurs, la lutte contre l’orpaillage illégal continue et de nouvelles opérations majeures sont en cours, d’autres se préparent. Enfin, sur le littoral, la gendarmerie n’a rien lâché. Plusieurs groupes criminels ont été déstabilisés cette semaine par de belles interpellations, fruits de longues enquêtes menées par les unités de recherches. Nous restons totalement mobilisés pour la sécurité de la guyane et de tous les guyanais.
Général Jean-Christophe Sintive, commandant la gendarmerie de Guyane, sur LinkedIn.
Reste à connaître le rôle du défenseur du mis en cause, et sa vision du dossier. Notamment dans la mesure où l'intervention initiale apparaît s'être déroulée hors les heures légales (5h30/5h40) d'introduction dans un domicile. Le carbet, habitat originel des amérindiens nomades, a pris de l'ampleur en Guyane du fait d'une réglementation de l'urbanisme semble-t-il plus souple qu'en métropole. Construit sans forme légale d'autorisation, par des illégaux implantés sur le territoire de la Guyane, il répond malgré tout, comme le souligne un correspondant de L'Essor, juridiquement aux critères de la notion de domicile en droit français…
(AD, avec un de nos correspondants)
(Article publié lundi 10/04/2023, et mis à jour mardi 11/04/2023)