À Mayotte, un ancien gendarme a été condamné en comparution immédiate à 30 mois de prison, dont 12 mois ferme, après avoir ouvert le feu avec son arme personnelle et blessé deux jeunes hommes qui avaient tenté de l’agresser avec un groupe d'une quinzaine de personnes, alors qu'il circulait à moto, début septembre 2023.
Climat anxiogène à Mayotte
Comme le souligne le Journal de Mayotte, les faits se sont produits le samedi 2 septembre 2023, dans le secteur de Doujani, à l’est de cet archipel de l'océan Indien. Ce soir-là se déroule le festival Sanaa. Aux alentours de 23 heures, un motard, âgé d’une cinquantaine d’années, est en route pour regagner son domicile. Mais sur le chemin, il tombe sur un groupe d'individus qui ont dressé un barrage sur la route. À Mayotte, où l’insécurité est grandissante, ce type d’épisode est courant, notamment la nuit, où des "coupeurs de route" installent des barricades pour racketter les automobilistes et les passants.
L'homme, qui avait quitté la Gendarmerie après avoir été blessé hors service, pratique le tir sportif. Il avait notamment l’autorisation de détenir une arme pour pratiquer sa discipline. En revanche, il ne disposait pas d’autorisation de port d’arme. Pourtant, quand il reçoit un projectile sur le casque et voit arriver sur lui une vingtaine de personnes, il se sent clairement menacé et sort son arme avant d'en faire usage. "J’ai eu peur pour ma vie. J’ai tiré en l’air, ce qui n’a pas eu d’effet. J’ai alors tiré à terre."
Cette arme à feu, un pistolet semi-automatique Glock de 9mm, était rangée dans son jean. L'ancien gendarme qui avait notamment servi au sein d'un peloton de surveillance et d'intervention de la Gendarmerie (Psig), puis dans un escadron de sécurité routière, confie au tribunal qu'il est toujours armé lorsqu'il sort de chez lui. "Comme à Mayotte le climat est anxiogène, j’ai toujours une arme de défense sur moi." Mais depuis peu, son arme de défense "était enrayée". Ce jour-là, il avait donc emporté avec lui le pistolet qu'il utilise dans le cadre du tir sportif.
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L'un des blessés, recherché par la police, s'enfuit de l'hôpital
Au total, une dizaine de coups de feu sont tirés, comme le rapportent des policiers qui se trouvaient à proximité et ont entendu les détonations. "J'ai essayé de sauver ma vie. Il était hors de question que je reste là, à me faire lyncher" explique l'ancien militaire. Après avoir été détroussé sur la route de son domicile, se faisant voler son téléphone, il finit par réussir à rentrer chez lui.
Dans le même temps, deux jeunes sont amenés auprès des autorités. Ils présentent des blessures par balles et sont rapidement admis au Centre hospitalier de Mayotte (CHM). L’un a été touché à la fesse et l’autre à deux doigts de la main gauche. Une enquête de flagrance est immédiatement ouverte par les policiers.
Le premier des deux blessé a un casier judiciaire vierge, mais est déjà connu des services de police. L’autre a un casier judiciaire conséquent. À tout juste 18 ans, est inscrit au fichier des personnes recherchées où il est noté qu'il est "dangereux, armé et violent". D'ailleurs, quand il a appris que les gendarmes souhaitaient l’interroger, il a pris la fuite de l’hôpital, malgré ses 45 jours d’incapacité totale de travail (ITT).
Trois jours plus tard, lorsqu'il apprend dans la presse que deux jeunes avaient été blessés ce soir là, l’ancien gendarme se présente d'initiative au commissariat. Placé en garde à vue, dans un premier temps pour "tentative d’assassinat" puis pour "violence avec arme", l’auteur présumé des coups de feu est placé en détention provisoire.
"Mayotte, ce n'est pas le Farwest !"
Lors de son procès, l’ancien gendarme, qui craignait pour sa vie, a expliqué avoir agi en état de légitime défense. Cet argument, le parquet n’a pas souhaité le retenir. "Vous brandissez une arme de catégorie B comme un cowboy, mais Mayotte ce n’est pas le Farwest !". La substitut du procureur a demandé une condamnation à 30 mois de prison dont 18 mois avec sursis et sans mandat de dépôt, ainsi qu'une confiscation de l'ensemble de ses armes et une interdiction de 10 à 15 ans de détention et de port d’arme. Ses réquisitions ont été suivies par le tribunal. Placé en détention à domicile, l'ancien gendarme devra, pendant un an, porter un bracelet électronique. Une peine aménagée pour lui permettre de conserver son activité professionnelle de salarié dans le bâtiment. A la sortie du tribunal, son avocat a indiqué qu'ils se laissaient le temps de faire appel de cette décision.