Une "succession de livraisons par drones" avait commencé par être constatée en mai 2023 au centre pénitentiaire de Nantes-Carquefou, et avait été confirmée par des fouilles en cellule survenues "dès le lendemain" a expliqué Renaud Gaudeul, procureur de la République de Nantes, lors d'une conférence de presse : trente-six smartphones et 1,6 kg de stupéfiants avaient été retrouvés.
Le parquet de Nantes avait donc saisi la Brigade de recherches (BR) de la compagnie de gendarmerie de Nantes, qui avait fait "un très gros travail d'exploitation" des produits saisis ; celui-ci avait permis d'identifier une "équipe de malfaiteurs" de quatre individus à La Baule (Loire-Atlantique) et son "centre logistique" dans la commune voisine de Pornichet.
Cette "organisation assez bien bouclée" opérait par le biais d'un compte Snapchat baptisé "Air Colis" : les détenus passaient commande auprès de leurs proches à l'extérieur, qui se rapprochaient alors des malfaiteurs pour procéder à l'acheminement de la marchandise en détention. Le prix était alors de "400 € pour 500 grammes" de produit convoyé, selon le procureur.
Des livraisons "au creux de la nuit"
Le "ballet" des drones se déroulait ainsi "au creux de la nuit", avec des appareils invisibles et silencieux ; "cinq livraisons
minimum" étaient faites chaque soir, et cela pouvait aller "jusqu'à dix" a détaillé le procureur de la République de Nantes.
Une vingtaine de voyages ont d'ores et déjà été identifiés sur Ploemeur, où les livraisons avaient lieu tous les lundis soirs", a précisé Renaud Gaudeul aux journalistes.
Le droniste livrait ainsi la marchandise directement à la fenêtre de la cellule des détenus, à l'aide des images de la caméra de l'appareil et "guidé à la voix" par son client ; celui-ci pouvait alors couper le fil de pêche qui la liait à l'aide d'une baguette.
Les "surveillances physiques" ont, au final, permis d'interpeller le 26 septembre 2023 à 4h du matin, dans un champ jouxtant le centre pénitentiaire de Nantes, trois frères de 21, 23 et 26 ans "d'origine toulousaine et établis depuis peu du côté de La Baule". Un quatrième individu de 23 ans, qui avait rejoint dernièrement le trio, a lui été interpellé à son domicile de La Baule.
"La délinquance ne recule davant aucune innovation technologique""
La perquisition dans leur hangar de Pornichet avait permis de saisir neuf drones, 500 g de cocaïne, 1 kg de résine de cannabis, 900 € en liquide, des jumelles thermiques et des brouilleurs. Les protagonistes risquent aujourd'hui dix ans de prison pour ce "survol de zone interdite", "introduction irrégulière d'objet en détention" et "trafic de stupéfiants". Deux d'entre eux encourent même vingt ans de détention, en raison de leurs antécédents judiciaires dans des affaires de drogue.
"On avait affaire à un commerce organisé et professionnel : les suspects étaient dotés d'un drone de secours et de batterie de secours en cas de panne", a souligné Cécilia Agez, la commandante de la compagnie de gendarmerie de Nantes, qui a piloté cette enquête. "La délinquance ne recule devant aucune innovation technologique pour faire du business."
"Il est bien que les malfaiteurs sachent aussi que les enquêteurs se sont mis à niveau", positive de son côté Renaud Gaudeul, le procureur de la République de Nantes.
"Ces faits sont tout sauf anodins : on a retrouvé des téléphones portables et des stupéfiants, mais ces drones pourraient très bien transporter des armes – même si on a aucun élément en ce sens."
"A ma connaissance, c'est la première fois qu'on a une affaire de ce type d'une telle envergure", a conclu le magistrat.