Un gendarme de l’escadron de gendarmerie mobile de Vouziers (Ardennes) était jugé par le tribunal correctionnel de Reims (Marne) pour avoir porté un coup, sans raison légitime, à un cambrioleur, lors de son interpellation, le 9 mai 2022. A l’époque, le prévenu appartenait à l’antenne du Groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN) de Reims. Lors de l’audience, le militaire, actuellement en arrêt maladie, a plaidé l’inverse et dénoncé des faits de racisme subis au sein de cette unité à laquelle il appartenait depuis sa création en 2016. Mis en délibéré, le jugement sera rendu le 11 mars 2024.
Des faits dénoncés quelques semaines plus tard par des collègues
Nos confrères de L’Union précisent que les faits reprochés au prévenu de 40 ans, né en Côte d’Ivoire, n’ont pas été dénoncés tout de suite. Lors d’un pot organisé au sein de l’unité, un participant a évoqué ce "coup de poing" alors que toute l’équipe du GIGN, était félicitée pour cette intervention, l’accusé compris. L’information est ensuite remontée à la hiérarchie qui a effectué un signalement auprès du procureur. Selon le prévenu, qui avait déjà été sanctionné disciplinairement par 30 jours d’arrêts en 2017 après avoir proféré des menaces de mort envers un automobiliste lors d’un accident survenu dans le cadre privé, ses collègues l’ont accusé à tort dans le but de "se débarrasser de moi car j’avais dénoncé des faits de racisme", assure-il.
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Un coup conforme ou un geste disproportionné ?
Cette nuit du 9 mai 2022, l’AGIGN de Reims était déployée à Mouchy-le-Châtel (Oise), pour interpeller sept cambrioleurs roumains spécialisés dans les vols de coffres-forts de grandes surfaces.
A cinq heures du matin, après une longue attente dans les bois, le top action est donné. Le prévenu interpelle un premier cambrioleur. Puis, il en aperçoit un second qui sort de sa cachette, les mains en l’air et lui dit "je suis là chef !". Puis, "au moment où il se présente à moi, je m’avance vers lui. Je m’identifie. Je lui dis +Allez au sol !+ S’il ne va pas au sol, c’est qu’il n’obtempère pas aux injonctions, donc il est dangereux, même les mains en l’air", a expliqué l’accusé à la barre du tribunal correctionnel de Reims lors de son procès.
La suite, son collègue l’a racontée sur le procès-verbal. "[Le cambrioleur] était éclairé par une lampe. Il avait mis ses mains au-dessus de la tête. Il était seul, sans arme. Il avait une démarche hésitante mais pas précipitée. Mon collègue s’est porté à sa hauteur, lui a saisi le bras droit, l’a fait pivoter et lui a donné un coup de poing au visage qui lui a fait perdre l’équilibre".
Lors des interrogatoires durant l’enquête, les collègues de l’accusé ont évoqué un "geste disproportionné" qui ne se justifiait pas en raison du comportement de la personne interpellée. Ils évoquent "un coup non conforme à la doctrine", et donc répréhensible. Une version contredite par le militaire pour qui le coup était "conforme" et "adapté".
La victime du coup ne porte pas plainte
Au tribunal, l’avocat de la défense, Me Serge Urbain, a dénoncé le contexte de l’intervention en plaidant la relaxe de son client. "Les gendarmes doivent interpeller sept personnes alors qu’ils ne sont que dix ! La doctrine, ce sont trois personnels pour une personne interpellée : il y a déjà un problème avant même que l’opération ne commence, elle a été mal préparée », explique-t-il avant d’ajouter : "Ces malfrats ont tout du grand banditisme. Par le passé, [la victime] a déjà été arrêtée avec des armes, c’est dans le dossier. Ils ont aussi des hachettes, des disqueuses, pour commettre leurs cambriolages. Vous avez donc des gendarmes qui sont dans le noir, qui doivent arrêter des gens dangereux alors qu’ils ne sont pas assez nombreux et qui peut-être se font tirer dessus : le coup a été donné légitimement parce qu’il avait raison de s’estimer en danger. Cette personne était la deuxième à être interpellée, il devait s’en occuper seul car son coéquipier était en briefing radio et il y avait encore cinq autres individus possiblement armés qui pouvaient surgir".
L’avocat du gendarme précise enfin que le coup porté par son client n’était pas "un coup de poing", mais "un coup d’arrêt, main ouverte, qui n’a provoqué aucune blessure". Une version confirmée par la victime qui a été extraite de sa cellule pour témoigner lors du procès. "C’est vrai que je n’ai pas eu de douleurs par la suite, pas de bleus. Pour moi, ce qui s’est passé ce jour-là, c’est normal car j’étais en tort", assure-t-il à l’aide d’un interprète. L’homme n’a d’ailleurs pas porté plainte contre le gendarme et ne réclame rien.
Le jugement a été mis en délibéré et sera rendu le 11 mars 2024.