Thomas Rudigoz (Renaissance) et Roger Vicot (socialiste), les deux rapporteurs de cette mission d'information sur la "hausse du nombre de refus d’obtempérer et les conditions d’usage de leurs armes par les forces de l’ordre", lancée trois mois après la mort de Nahel, tué par un policier à Nanterre le 27 juin 2023, viennent de présenter leurs conclusions en formulant 23 recommandations.
Les deux parlementaires ont entendu près d'une centaine de personnes : responsables de la Police et de la Gendarmerie, syndicats, universitaires, avocats, ONG, associations. Ils relèvent que les refus d'obtempérer ont connu une "hausse tendancielle" – pour la période 2012-2022 – de 33,7% pour les refus simples et de 94,6% pour les refus aggravés (blessures ou mise en danger de policier ou de gendarme).
Selon les chiffres communiqués il y a plusieurs semaines par le Service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI), la Police et la Gendarmerie ont constaté – entre 2016 et 2023 – une moyenne annuelle de 25.700 délits de refus d'obtempérer routiers, soit un toutes les vingt minutes. Sur ces sept années, ils ont diminué de 5%, notait alors le SSMSI.
Baisse de 32% chez les policiers, de 43% chez les gendarmes
Les deux rapporteurs de la mission d'information soulignent par ailleurs que la part des refus d'obtempérer suivis de l'ouverture du feu a connu une baisse de 32% chez les policiers et de 43% chez les gendarmes entre 2017 et 2022.
L'année 2017 fait référence à la loi "Cazeneuve" du 28 février 2017, dont l'un des articles – controversé – assouplissait les conditions d'ouverture du feu par les policiers en les alignant sur celles des gendarmes. Une loi qui serait à l'origine, selon une étude des trois chercheurs, de la multiplication par cinq, après 2017, du nombre des tirs mortels après refus d'obtempérer. Les deux députés dénoncent une "étude quantitative basée sur des données partielles, des comparaisons peu opportunes et sous-estimation manifeste du contexte de l'époque". Pour autant, ils ne tranchent pas sur l'existence d'un lien de causalité entre la loi de 2017 et le nombre des personnes tuées lors de refus d'obtempérer avec un nombre record de treize décès en 2022.
"Culture du jalonnement" et "culture de la chasse"
Dans leur recommandation n°3, les deux rapporteurs suggèrent que la Direction générale de la Police (DGPN) et celle de la Gendarmerie (DGGN) partagent leurs documents pédagogiques sur la doctrine en matière de refus d'obtempérer et d'organisation des contrôles routiers. Ils souhaitent que la "culture opérationnelle du jalonnement" (interpellation différée des auteurs de refus d'obtempérer) des gendarmes soit adoptée par les policiers qui préfèrent la "culture de la chasse" après un refus de s'arrêter.
Ils proposent par ailleurs (recommandation n°21) de conditionner le port d'arme des policiers au respect effectif de leurs obligations de trois séances annuelles de tir de 30 cartouches à l'entrainement. Ils prônent de transposer dans la Police, le système du certificat initial d'aptitude à la pratique du tir (CIAPT) en vigueur dans la Gendarmerie, qui suspend l'utilisation de l'arme individuelle en cas de non-respect des normes d'entrainement au tir.
Les deux rapporteurs ont fait état d'un seul point de désaccord dans leurs recommandations. Le député de la majorité Thomas Rudigoz a écarté toute révision de la loi de 2017 précisant les cas où un policier peut tirer lors du refus d'obtempérer d'un automobiliste. Roger Vicot souhaite supprimer le mot "susceptible" qu'il juge "ambigu" car il a pu être interprété à tort comme un "assouplissement" du cadre légal d'usage de l'arme, qui doit toujours obéir aux principes d'absolue nécessité et de stricte proportionnalité de la légitime défense.
PMG (avec l'AFP)