Plus de huit millions et demi d’informations traitées, des centaines d’auditions, des milliers de pièces de procédure… et un soupçon de chance. La masse d’investigations pour retrouver le corps de Lina, adolescente disparue en Alsace, a été colossale pour les enquêteurs de la Gendarmerie.
« C’est une enquête un peu hors du commun par l’ampleur des investigations qu’elle a nécessitées », note ainsi le général Dominique Lambert, sous-directeur de la police judiciaire de la Gendarmerie nationale, au lendemain de l’annonce des résultats de l’autopsie, qui laissent supposer que la jeune fille a été étranglée. « Plus de 300 voitures ont fait l’objet d’une étude approfondie, dont une vingtaine des constatations de police technique très poussées. Il y a eu plus de 400 auditions, plus de 6.000 pièces de procédure, et la base de données d’analyse criminelle de ce dossier contient pratiquement 8 millions et demi d’informations, ce qui est énorme », explique-t-il lors d’un entretien à l’AFP.
« La pire hypothèse »
Lina, 15 ans, a disparu un samedi matin de septembre 2023 sur une petite route peu fréquentée près de chez elle, à Plaine (Bas-Rhin), commune boisée au pied des Vosges. Pour les enquêteurs « c’est la pire hypothèse », souligne le général Lambert, « celle du rôdeur de passage, qui n’était jamais passé dans le coin, qui n’y est jamais repassé, qui n’a aucun lien personnel, familial, amical quelconque dans le coin. »
« Pourquoi Samuel Gonin est-il passé à cet endroit-là, à ce moment-là ? Malheureusement, on ne le saura jamais ». Le principal suspect dans l’enlèvement et le meurtre de Lina, s’est en effet suicidé début juillet et ne pourra jamais répondre aux multiples questions en suspens. On ne saura jamais comment il a réussi à faire monter Lina dans sa voiture, qu’il avait volée auparavant en Allemagne. Une voiture qui va d’ailleurs être retrouvée près de Narbonne, où Samuel Gonin avait été arrêté en janvier 2024. La Ford Puma est restée des mois en fourrière.
« Beaucoup de travail et un peu de chance »
Ce véhicule est arrivé dans le radar des enquêteurs parce qu’il était passé dans le tunnel de Schirmeck, à quelques kilomètres du lieu de disparition de Lina, le matin des faits. Il a ainsi fait partie des centaines de véhicules vérifiés. Le propriétaire de la voiture volée avait été remboursé par son assurance, et « l’assureur allemand n’a pas récupéré le véhicule », relève M. Lambert. « C’est ça qui a fait que le véhicule a été laissé en déshérence dans cette fourrière. Dans une enquête comme ça, il faut beaucoup, beaucoup, beaucoup de travail, et puis un tout petit peu de chance à un moment ».
« Le coup de chance dans ce dossier, c’est que la voiture n’a pas été réclamée par l’assureur et qu’elle est restée en fourrière. Sinon cette piste-là n’aurait jamais abouti: sans la voiture, on n’aurait pas pu établir de lien objectif entre Samuel Gonin et les faits. »
L’homme, qui avait sombré dans une vie de drogue et d’errance, « avait travaillé chez Ford pendant un temps » et connaissait donc bien ce modèle qu’il avait volé. Il en avait d’ailleurs désactivé le système de géolocalisation. « C’est aussi ça qui a retardé l’identification de la voiture », poursuit M. Lambert. Mais grâce au système multimédia embarqué, les enquêteurs disposent de points de passage et d’arrêt du véhicule, à défaut de son parcours précis.
Recherches extrêmement méticuleuses
Des recherches poussées sont ainsi menées dans plusieurs endroits où Samuel Gonin s’est arrêté après la disparition de Lina, avant que le corps ne soit finalement découvert dans un petit cours d’eau, près de Nevers, à près de 500 kilomètres de chez elle.
« Le corps était dissimulé dans le lit d’une rivière. Il était très difficile à voir. Mais les recherches sur les différents points d’arrêt de la voiture ont été extrêmement méticuleuses », insiste le général Lambert. « Les enquêteurs qui l’ont trouvé sont ceux qui progressaient dans le cours d’eau. On peut penser que le corps était à cet endroit-là depuis le début. »
Les investigations sont maintenant presque achevées: « Il reste à terminer de mettre en forme la procédure. Il y a quelques ultimes vérifications en cours sur la voiture. De toutes façons, on ne pourra pas aller beaucoup plus loin en l’absence de possibilité d’avoir plus de détails de la part de M. Gonin », regrette le général Lambert.
(Par Marc-Antoine BAUDOUX / AFP)
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