Les gendarmes pourraient bien faire les frais du bras de fer actuel entre la Direction générale des finances publiques et celle de la Gendarmerie nationale.
Dans la Gendarmerie, comme dans toute la fonction publique, le ratio de promotion des gendarmes comme des fonctionnaires est conditionné à la publication d’arrêtés dits pro/pro, pour promus/promouvables.
Signés conjointement par les ministres concernés, en l’occurrence ceux de l’Intérieur et du Budget, ils fixent le taux maximum de gendarmes d’un grade qui peuvent être inscrits au très attendu tableau d’avancement afin de passer au grade supérieur l’année suivante.
Le dernier arrêté de ce type datait du 21 juillet 2015 et fixait les ratios de promotion pour 2016 et 2017. Il avait été modifié courant 2017 pour prendre en compte le protocole social signé le 11 avril 2016 par Bernard Cazeneuve avec les représentants des gendarmes.
En août, la Direction générale de la Gendarmerie (DGGN) a donc envoyé vers Bercy ses prévisions d’arrêtés pro/pro prenant en compte l’augmentation massive de certains grades, notamment les passages de gendarme à maréchal des logis-chef, prévue dans le protocole social.
Pourtant, depuis cette date, Bercy bloque les projets d’arrêtés en les contestant. La discussion porte sur les ratios que les services financiers voudraient revoir à la baisse. Conséquence: les tableaux d’avancement par grades des gendarmes pour 2018 ne sont pas encore publiés malgré d’âpres discussions entre les directions.
De lourdes conséquences
Après avoir attendu autant que possible, la DGGN a fini par annoncer mercredi 29 novembre dans un communiqué laconique que « la diffusion des tableaux d’avancement des officiers et des sous-officiers, initialement fixée au 1er décembre, est décalée de quelques jours ».
Pourtant, ils pourraient bien être davantage retardés car Bercy entend faire plier la DGGN pour faire des économies. Et le temps joue contre l’Institution. En effet, une fois l’imprimatur de Bercy obtenu, la DGGN devra dans l’urgence modifier les tableaux d’avancement. Or, ces derniers ont des implications complexes, comme le logement ou le travail du conjoint. Interrogé par L’Essor, le ministère des Finances n’avait pas donné suite à nos questions jeudi en fin d’après-midi.
Un officier de la DGGN nous confie que le directeur général est « arc-bouté sur le respect des engagements de la feuille de route sociale ». Une position d’autant plus ferme que les ratios de promotion présentés par la DGGN sont conformes au crédits de Titre 2 (dépense de personnels) prévus dans le budget 2018. Les parlementaires seraient donc en train de débattre d’un budget que Bercy tenterait déjà de remettre en question!
Le premier ministre tranchera
Pour l’heure, tout est entre les mains du cabinet du premier ministre qui devra trancher lors d’une prochaine réunion interministérielle (RIM) d’arbitrage. En attendant, les quelques milliers de gendarmes, officiers et sous-officiers confondus, qui espèrent prendre du galon l’an prochain sont dans l’expectative. A l’angoisse professionnelle s’ajoute celle de leurs familles, et notamment des conjoints qui ne savent pas s’ils pourront continuer à exercer leur emploi l’été prochain et des enfants qui ne savent pas s’ils devront ou non quitter leur école pour un autre établissement.
En attendant, les esprits s’échauffent. « Au delà du retard que cela va nécessairement susciter en terme de programmation de déménagements, de contraintes familiales et de postes de commandements vacants, la défiance vis à vis de dirigeants qui ne respectent pas un plan de carrière accepté par un gouvernement légitime, risque de se matérialiser par une colère non contenue », avertit l’association professionnelle nationale de militaires (APNM) Gendarmes et citoyens.