Avec l’évacuation de la ZAD de Notre -Dame -des -Landes qui se profile et se prépare, il va être beaucoup question de cette “zone de non droit” dans les jours et semaines à venir et de ses occupants. Peu enclins à appeler la Gendarmerie pour régler leurs conflits, ils ont mis en place leur propre système de police et de justice! Un journaliste de l’agence PressPepper est allé à leur rencontre. Reportage.
Pour gérer les conflits entre ses habitants, la ZAD de Notre-Dame-des-Landes a mis en place en 2015 son propre “groupe de médiation”. Baptisé le “Cycle des 12”, il est inspiré de la “justice communautaire” en vigueur au Chiapas (Mexique).
Contrairement à ce qu’on pourrait penser, la ZAD de Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique) n’est pas complètement “une zone de non-droit“
Guère encline à solliciter la Gendarmerie de Sautron pour régler ses litiges internes, la zone d’aménagement différé – dont l’évacuation pourrait être ordonnée même en cas d’abandon du projet d’aéroport d’ici la fin du mois par Emmanuel Macron – a en effet mis en place en 2015 un “groupe de médiation“.
Douze habitants tirés au sort
Inspiré de la “justice communautaire” du Chiapas (Mexique) , le “Cycle des 12” est constitué de douze habitants de la ZAD, tous volontaires et tirés au sort pour un mois.
Renouvelé par moitié tous les quinze jours, il se charge de collecter les plaintes des “victimes” et d’entendre la version des mis en cause. “Petits vols“, “incivilités” et “violences” entre zadistes sont ainsi le lot de cette instance tournante, qui se réunit tous les lundis, dans un des soixante-dix “lieux de vie” de la ZAD.
Le “Cycle des 12” réfute toutefois fermement l’étiquette d’institution “judiciaire” : ici, il n’y a ni cellules de garde à vue, ni centre de détention. Les douze “médiateurs” incitent plutôt les fauteurs de troubles à “réparer” leurs méfaits. “Par exemple, si un type casse le pare-brises de son voisin, on va lui demander de le remplacer ou de lui en payer un autre“, explique une zadiste. Les auteurs de violences, quant à eux, peuvent être fortement incités à aller prendre “des vacances” temporaires, loin de la ZAD et de leurs victimes. “On est sympas : parfois, on leur laisse des adresses“, souligne la même trentenaire.
Des “groupes plus affinitaires” se constituent aussi d’eux-mêmes pour régler certains problèmes récurrents. A l’été 2016, un habitant pourtant “intégré depuis longtemps” sur la zone a par exemple été sommé de partir dans la foulée : il se livrait à des “violences sexistes” récurrentes sur les femmes de la ZAD, surtout quand il était sous l’emprise de l’alcool. Pour lui signifier cette interdiction de paraître, en quelque sorte, “quarante-cinq meufs” (SIC) sont venues simultanément sur son lieu de vie. “Elles lui ont donné une heure pour faire ses valises… Il n’est plus jamais revenu“, raconte un témoin.
Reste que le “Cycle des 12” demeure une forme de justice imparfaite, de l’aveu-même d’une zadiste. “Trop mou“, il “manque parfois de réactivité“. “Le type qui a été évincé en 2016, on lui avait déjà donné une dizaine de “seconde chance”… On ne peut pas se laisser marcher dessus indéfiniment“, soupire-t-elle.
Réservé pour le moment aux seuls 250 habitants de la ZAD, ce “groupe de médiation” va néanmoins être bientôt dupliqué dans une forme élargie à l’ensemble du mouvement anti-aéroport (paysans historiques, naturalistes…). Objectif : gérer les conflits qui naîtront inévitablement, dans l’avenir, sur le futur usage des terres de Notre-Dame-des-Landes. Si le projet d’aéroport est abandonné, évidemment.
A Notre-Dame-des-Landes, Guillaume Frouin (PressPepper)
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