20 ans de lutte contre la délinquance itinérante, de la cellule à l’office

Photo :

14 juillet 2021 | Opérationnel

Temps de lecture : 4 minutes

20 ans de lutte contre la délinquance itinérante, de la cellule à l’office

par | Opérationnel

Vols de fret, de métaux, de tracteurs, DAB explosés, coffres-forts arrachés, cambriolages de commerce à l’aide de voitures béliers, agressions de personnes âgées, escroqueries au faux jade …

Arrestation d'un malfaiteur présumé lors d'une opération coordonnée par l'OCLDI.

En vingt ans, la cellule spécialisée de six hommes s’est transformée en un office central de quelque 110 gendarmes et policiers pour tenter de lutter contre les multiples avatars de la délinquance itinérante.

Fin septembre, anciens et actifs de l’Office central la lutte contre la délinquance itinérante (OCLDI) ont fêté en bord de Seine les vingt ans de cette structure dédiée à la coordination de «la lutte contre la criminalité et la délinquance commises par des malfaiteurs d’habitude qui agissent en équipes structurées et itinérantes en plusieurs points du territoire ».

Lors de ce rassemblement, un haut responsable de la Gendarmerie a employé le terme de « pillage organisé » pour qualifier les crimes et les délits, commis par ces bandes spécialisées composées de malfaiteurs aguerris et venues désormais, pour les deux tiers d’entres elles, d’anciens pays de l’Est.

La prise de conscience du phénomène date de 1996.  Cette année-là, le 31 août, une demi-douzaine d’hommes armés de la communauté des gens du voyage commettent un vol à main armée au péage autoroutier de Chamans (Oise). Un gendarme auxiliaire de 22 ans est tué.

Sept mois plus tard, le 6 mars à Pelouailles-les-Vignes, près d’Angers,  quatre gendarmes de la brigade sont grièvement blessés par balles lors d’un braquage. L’un d’eux restera paraplégique.

Les malfaiteurs appartiennent au grand banditisme, membres de la communauté des gens du voyage. Ils résident dans le même camp que ceux du hold-up de Chamans, à Verneuil-Vernouillet (Yvelines).

Ces deux événements tragiques pour la Gendarmerie aboutissent à la création, cinq mois plus tard le  1 août 1997, de la Cellule interministérielle de liaison sur la délinquance itinérante (Cildi). Mise en place au ministère de la Défense, alors tutelle de la Gendarmerie, elle a pour mission principale de créer une documentation opérationnelle sur les bandes organisées (déplacements, cibles, mode opératoire) les individus qui la composent et leurs activités.

Elle fait circuler les informations  entre la police et la gendarmerie et coordonne l’action des unités sur les phénomènes spécifiques de cette criminalité itinérante :  arrachages de DAB, enlèvements de coffres forts, vols de fret, vols béliers dans les commerces, agressions de personnes âgées,  vol d’œuvres d’art dans les églises, escroqueries au faux jade.

Installée au fort de Rosny-sous-Bois et rattachée à la sous-direction des opérations de la Direction de la Gendarmerie, elle compte alors  deux officiers et trois sous-officiers de gendarmerie et un officier de police.

Un officier de gendarmerie, spécialiste de police judiciaire, Jacques Morel sera la cheville ouvrière de cette unité, qui, malgré sa petite taille va multiplier les démantèlements de ces bandes itinérantes.

Elle fournira également des renseignements précieux à l’Office central de répression du banditisme (OCRB) ou aux enquêtes fiscales et douanières.

De la cellule à l’office

Jacques Morel prendra ensuite la direction de l’Office central de lutte contre la délinquance itinérante (OCLDI), créé en juin 2004 pour remplacer la Cildi. Sa mission principale est la lutte contre les délits et les crimes commis par des bandes itinérantes.

L’OCLDI devient une unité opérationnelle d’enquêtes et d’investigations à compétence nationale, chargée d’animer et de coordonner l’action des unités de la Gendarmerie et des services de la Police. Ces attributions s’exercent sur un plan national et international.

Car les cibles de cette délinquance itinérante en bande organisée sont de plus en plus nombreuses et de plus en plus variées : vols dans les habitations ou les commerces, vols d’objets d’art dans les églises et les châteaux, vols de vélos ou vols à l’étalage, attaques de distributeurs automatiques de billets (DAB) par arrachages avec des véhicules volés ou par explosifs solides ou gazeux, vols de coffres forts, vols de fret, vols de métaux dont les pots catalytiques.

Sans compter les vols de voitures utilisées pour les raids, souvent de plusieurs centaines de km, les vols de  pièces détachées, de poids lourds, chargés de matériel audiovisuels ou de parfums, de camions frigorifiques, de tracteurs agricoles ou d’engins de chantier, les vols de moteurs de bateaux ou d’ULM. Sans oublier non plus les  vols par ruse ou les vols à la fausse qualité, les vols avec violences à domicile, les agressions de personnes âgées et les escroqueries au faux jade.

Au 31 décembre 2016, l’OCLDI compte 56 gendarmes et de 3 policiers installés à Arcueil (Val-de-Marne).

Création de quatre antennes de l’OCLDI

Le colonel Bernard Thibaud, chef de l'OCLDI lors d'une présentation de son unité.

Dix mois plus tard, sous l’impulsion du colonel Bernard  Thibaud, actuel chef de l’OCLDI, quatre détachements sont créés (Lyon-Sathonay-Camp, Nancy, Rennes et Toulouse). Ils sont opérationnels depuis le 2 janvier 2017, portant les effectifs de l’office – un des 14 offices centraux du ministère de l’Intérieur – à 105 gendarmes et 7 policiers.

Ces détachements (12 gendarmes et un policier par détachement), à compétence nationale, sont chargés de détecter, d’identifier et de neutraliser plus rapidement les groupes criminels organisés itinérants. Ils démultiplient les capacités d’enquête de l’office central investigation et accélèrent l’échange des informations criminelles.

Fin septembre, un séminaire a réuni pendant deux jours à Arcueil l’échelon central de l’OCLDI  et ses quatre détachements.

Selon les derniers chiffres disponibles, 30 bandes itinérantes, soit 195 personnes interpellées, dont 122 écrouées, ont été démantelées au cours du premier semestre de 2017.

A sa création l’action de la Cildi visait surtout à mettre fin aux agissements de bandes de gens du voyage français, nomades ou sédentarisés. Vingt ans plus tard, les deux tiers de ces groupes itinérants viennent de pays d’Europe centrale, orientale, balkanique et russophone.  L’OCLDI commence même à enregistrer l’activité de bandes d’Amérique du Sud.

L’OCLDI s’est donc positionné au sein de l’Europe pour mieux lutter contre ces phénomènes. A partir de 2018, la France représentée par la Gendarmerie et l’OCLDI va diriger pour quatre ans l’action d’Europol dans le secteur « atteintes aux biens » qui se déroulera sur le cycle Empact (plateforme multidisciplinaire contre les menaces criminelles) 2018-2021.

De même, la Gendarmerie française, par le biais de l’OCLDI, et le soutien de onze pays européens, s’est vue attribuer 800.000 euros avec l’objectif de démanteler 50 groupes criminels organisés et de saisir 2 millions d’euros d’avoirs criminels. Ce fonds permettra notamment l’achat de drones, de caméras, de balises et la rémunération d’informateurs.

Pierre-Marie GIRAUD

L’article 20 ans de lutte contre la délinquance itinérante, de la cellule à l’office est apparu en premier sur L'Essor.

La Lettre Conflits

La newsletter de l’Essor de la Sécurité

Voir aussi