Le logiciel Anacrim-ANB est devenu la coqueluche des médias en l’espace de quelques jours. Ce programme informatique vient de donner un beau coup de pouce dans la relance d’une enquête que l’on croyait enterrée, l’affaire Gregory. Le logiciel Anacrim-ANB, développé par I2 puis IBM, n’est pourtant une nouveauté. Mais s’il est utilisé depuis 1994 dans la Gendarmerie, ce programme « évolue constamment », souligne la lieutenante Léa Jandot, qui dirige le département « Science de l’analyse criminelle » du Service central de renseignement criminel (SCRC) du pôle judiciaire de la Gendarmerie nationale.
Demain, ce type de logiciel pourrait être encore plus efficace. Revue des pistes d’avenir avec la lieutenante Léa Jandot et Alexandre Papaemmanuel, spécialiste des technologies numériques de la sécurité et de la défense.
Anacrim, le logiciel derrière le rebondissement de l’affaire Gregory
L’extraction automatique. Sur la toile, on appelle cela le « scraping ». L’automatisation de l’extraction de données aiderait grandement les analystes criminels. Pour le moment, ils sont astreints au travail ingrat et fastidieux de la saisie manuelle de données. Dans une affaire comme celle de l’assassinat de Gregory Villemin, cela représente des milliers de pièces de la procédure judiciaire à entrer dans le logiciel ou un tableur.
« L’analyse criminelle est un travail de longue haleine », explique Léa Jandot. « Une masse d’informations est à traiter et à structurer pour que nous puissions nous y retrouver », ajoute la lieutenante.
Elle estime qu’environ 60% du temps des analystes criminels est consacré à la saisie. « Le premier défi des analystes criminels, c’est de gérer l’hétérogénéité des données : procès-verbaux, informations manuscrites, tapées à la machine », complète Alexandre Papaemmanuel, directeur commercial Renseignement et sécurité intérieure de l’entreprise de services informatiques SopraSteria.
La recherche d’information. La plupart des personnes qui recherchent une information se contentent de taper une requête sur le site de Google.
Les analystes criminels de la Gendarmerie sont eux en quête d’un futur moteur de recherche interne qui puisse fouiller des milliers de pièces de procédure scannées. Une fonctionnalité liée au développement de l’extraction automatique, décrite ci-dessus. Aujourd’hui, les analystes criminels se heurtent au mur des scans de pièces, de qualité « très variable », pour Léa Jandot, et ce même pour des actes de procédures récents.
Demain, les technologies de fusion de données pourraient peut-être apporter des solutions pour mélanger « des informations visuelles, sonores, des flux vidéos ou de reconnaissance automatique, et aider l’analyste à faire face à ce tsunami d’informations », liste Alexandre Papaemmanuel.
La visualisation. Anacrim-ANB permet aux analystes d’établir des schémas relationnels et événementiels entre des personnes. Mais il ne permet pas de « positionner des personnes dans l’espace » et le temps, en utilisant par exemple un fond de carte, souligne Léa Jandot. Cette fonctionnalité intéresse les analystes criminels et pourrait constituer un outil à part entière.
Elle leur permettrait de « mettre en perspective », dans l’espace, « leurs hypothèses » dans la résolution d’enquêtes criminellesPourquoi ? répond Alexandre Papaemmanuel.
L’intelligence artificielle. Les technologies de l’intelligence artificielle intéressent bien sûr les gendarmes. Non pas remplacer les analystes criminels par une machine savante, mais au contraire pour « faciliter le travail des analystes » par un programme informatique suggérant par exemple des rapprochements.
Mais, prévient Léa Jandot, intelligence artificielle ou pas, « les analystes continueront à vérifier toutes les informations d’une procédure ». « Cela ne changera rien au niveau de l’esprit de l’analyse et du mode de travail », ajoute-t-elle, soulignant l’exigence d’une « formation complète ». « L’intelligence artificielle fera le travail fastidieux de chalutage mais elle ne remplacera pas l’intervention humaine qui elle ira creuser les alertes décelées », anticipe Alexandre Papaemmanuel.
En interne, dans la Gendarmerie, c’est le département du SCRC qui travaille sur cette piste de recherche de l’intelligence artificielle. Un lourd travail de développement qui n’est pas sans embûches. Une nouvelle version d’Anacrim, dénommée NG, a ainsi été étudiée en 2012, puis abandonnée deux ans plus tard, l’outil développé « ne correspondant pas aux attentes des analystes ». Les technologies, aussi prometteuses qu’elles soient, rappelle Alexandre Papaemmanuel.
Gabriel Thierry
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