
Un durcissement des sanctions pour les conduites dangereuses envers les piétons et une extension de l’usage de l’éthylotest anti-démarrage (EAD)… Ce sont les deux principales mesures entrées en vigueur dans le code de la route après la publication d’un décret au Journal officiel du 18 septembre 2018. Et le gouvernement met le paquet sur la sécurisation des piétons – c’est-à-dire aussi bien ceux qui marchent que les utilisateurs de trottinettes, de rollers ou d’Hoverboard, ces gyropodes sans guidon et sans selle, de plus en plus plébiscités par les citadins. Selon les chiffres de la Sécurité routière, les piétons sont en effet les principales victimes des accidents impliquant une automobile : 519 d’entre eux ont perdu la vie sur les routes en 2017, dont 329 en agglomération.
Six points pour les refus de priorité aux piétons
Pour rappel : “Tout conducteur est tenu de céder le passage au piéton s’engageant régulièrement dans la traversée d’une chaussée ou manifestant clairement l’intention de le faire” (article R.415.11). Dorénavant, en cas de refus de priorité aux piétons, le contrevenant risque de perdre six points sur son permis, contre 4 auparavant. Et l’infraction pourra être constatée sans arrêt du véhicule. De fait, le motif a été ajouté aux 12 infractions déjà concerné par le système de vidéo verbalisation. Concrètement, une capture d’écran des images filmées par les caméras de vidéo-surveillance permet aux agents d’identifier le véhicule contrevenant et son propriétaire grâce à son immatriculation. Le PV est alors automatiquement édité, selon une procédure identique à celle déjà en vigueur pour les radars automatiques, et envoyé au titulaire de la carte grise du véhicule incriminé.
“Ces mesures sont utiles mais encore insuffisantes, juge Christophe Ramond, directeur des études et de la recherche de la Prévention routière. L’enjeu liés à la sécurisation des piétons prend de plus en plus d’importance, notamment en raison du vieillissement de la population. Plus de la moitié des piétons tués sur les routes ont plus de 65 ans.”
L’EAD obligatoire pour les cas d’ivresses délictuelles
L’autre grande nouveauté concerne l’usage, étendu, de l’éthylotest anti-démarrage (EAD). Désormais, un conducteur contrôlé en état d’ivresse délictuelle, c’est-à-dire présentant un taux d’alcoolémie situé entre 0,8 g/l et 1,8 g/l, pourrait être contraint, sur décision préfectorale, d’installer à ses frais un EAD sur son véhicule. Et ce, pour une durée pouvant aller jusqu’à six mois. Mais cela lui évitera la suspension de permis qui était, jusqu’à présent, la seule option dont disposait le préfet. Cette mesure, expérimentée dans le Finistère depuis décembre 2017, permettrait donc, notamment, aux contrevenants de conserver leur emploi. Notons tout de même que le tribunal pourra décider de prolonger cette obligation jusqu’à cinq ans ou encore de choisir de moduler l’amende encourue jusqu’à un maximum de 4 500 euros.
A la Sécurité routière, on rappelle qu’en 2017, 1035 personnes ont perdu la vie dans un accident de la route impliquant un conducteur au-dessus des seuils autorisés d’alcoolémie. En 2016, les délits d’alcoolémie représentaient 22,3% des délits routiers.
Quant à celui qui aurait l’idée de faire souffler une autre personne dans l’EAD, gare à lui. En cas de contrôle, la sanction coûtera 6 points de plus sur le permis, la voiture sera confisquée et immobilisée. Le complice risque les mêmes sanctions pour avoir aider à contourner le dispositif.
Le difficile équilibre entre prévention et coercition
Ces trois nouvelles mesures – protection des piétions, extension de la vidéo verbalisation et de l’EAD – font parties des dix-huit mesures visant à “agir sur le comportement des conducteurs”, listées par le Comité interministériel de la sécurité routière (CISR), le 9 janvier dernier. Certaines ne seront pas effectives avant 2021, mais d’autres ont déjà beaucoup fait parler d’elles, comme l’entrée en vigueur, depuis le 1er juillet, de l’abaissement de la limitation de vitesse à 80 km/h sur les routes secondaires à double sens, dont les deux voies ne sont pas séparées par une barrière. Une mesure compensée par la publication, au même moment, d’une carte présentant l’implantation des radars automatiques sur le territoire français. Une alternance entre “prévention” et “coercition” qui semble être la ligne directrice du gouvernement en matière de sécurité routière.
“Le fait que les automobilistes soient de plus en plus surveillés, notamment par les radars et les caméras dont s’équipent maintenant pratiquement toutes les communes, influe sur les comportements. On peut certes considérer que cette surveillance n’est pas tout à fait conforme à l’idée que nous nous faisons de la liberté mais force est de reconnaître qu’elle est un outil pédagogique ayant démontré son efficacité. Le taux d’accidentalité s’est réduit depuis un an. Je note également que le nombre d’accidents mortels est en forte baisse depuis cet été. Même si nous n’avons pas encore d’éléments d’évaluation pour pouvoir établir une corrélation certaine, cette baisse est un indicateur encourageant sur les effets de la limitation de vitesse à 80 km/h qui a tant fait râler”, insiste Christophe Ramond. La peur du gendarme, même caché derrière un écran de contrôle, resterait-elle la meilleure alliée de la sécurité routière ?
L’avis de L’Essor
Un comportement dangereux mettant délibérément la vie d’autrui en danger est puni d’1 an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende. Encore faut-il établir clairement le comportement dangereux !